Vincent vint

11Jan/18Off

Conférence diplomatique d’Ibiza

Récemment, je suis allé à Ibiza pour y suivre un colloque assez passionnant : le sujet en était le développement du Moyen-Orient d'ici une quinzaine d'années. Ce point crucial reste d'après moi trop peu abordé, alors que le Moyen-Orient peut se changer en bombe à retardement sur le plan économique. Et ce que j'ai retenu de ces échanges, c'est qu'à moyen terme, il y aura selon toute probabilité plus de risques d'affrontements entre États que ce qu'on imagine la plupart du temps. La situation sera en fait plus tendue de manière générale. Si certains pays vont devenir plus pacifiques, plusieurs régions resteront de véritables poudrières qui continueront à empoisonner lourdement l'atmosphère de la région. L'alliage d'une économie toujours plus libérale et des gouvernements totalitaires est en effet le mélange parfait pour que des guerres civiles voient régulièrement le jour. Ceci dit, il est à souligner que tout n'est pas noir non plus. Par exemple, avant 2030, l’Iran devrait avoir finalement renoncé à son programme nucléaire. Le pays aura en effet probablement trouvé un autre biais pour maintenir sa sécurité. L'attraction qu'exerce Daesh et compagnie sera nettement en berne, même si des noyaux durs vont continuer à alimenter la terreur. Et l'accès aux technologies militaires les rendra sans doute encore plus redoutables. Mais le plus gros problème, à mon sens, reste la question du nucléiare. Face au programme iranien, certains pays de la région s'imaginent en effet sérieusement se procurer l'arme nucléaire, et dans un avenir proche, de nombreux acteurs majeurs devraient poursuivre activement le développement de leur propore arsenal. Cette réaction face aux chiites iraniens apportera bien sûr une dimension encore plus alarmante à une lutte d'influence obstinée dans la région. Parallèlement, les pays occidentaux entreront eux aussi en jeu pour couvrir leurs besoins en pétrole, quitte à commercer des équipements militaires high tech contre une plus grande influence (ce qui ne fera évidemment qu'accroître la capacité de conflit des pays concernés). J'ai vraiment trouvé ce colloque à Ibiza très intéressant, dans l'ensemble. Les explications s'appuyaient pour une fois sur des faits concrets, et permettaient de mieux se rendre compte de ce qui nous attendait. Histoire d'enfoncer le clou, un grand effort a été fait en terme d'organisation, et ça, j'ai aussi beaucoup apprécié. Je vous mets d'ailleurs en lien le site de l'agence qui a concocté le programme. Je n'avais encore jamais vu une agence aussi pro-active, sur le terrain. Suivez le lien pour toute information sur ce séminaire en Espagne.

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4Jan/18Off

Rojova : dépasser les frontières sans les nier

La critique de l’État-nation a conduit à renoncer à la construction d’une république kurde indépendante qui ne ferait qu’en reproduire les travers. Le municipalisme libertaire comme le confédéralisme démocratique se développent sans souci des frontières des États. Chaque entité territoriale adhère à la confédération sans référence nationale. Cependant, la réalité conduit à deux correctifs. Le premier est temporel. Dans une première phase, si un État reconnaît à une entité territoriale régionale le droit de pratiquer sa conception de la démocratie, à son tour, cette entité reconnaîtra la frontière internationale de l’État. Elle développera sur son territoire, si tel est son projet politique, l’autoadministration politique et l’autogestion économique. C’est le canevas de la constitution turque d’Öcalan, c’est la proposition que le Contrat social fait à la Syrie. Il sera bien temps, dans une deuxième étape, de penser comment les autonomies démocratiques dans cet État et au-delà se confédéreront au mépris des frontières. Le second correctif est diplomatique, motivé par la résolution du conflit en Syrie. Le confédéralisme démocratique et son projet de société sans État ont tout lieu d’affoler les différents protagonistes internationaux, que ce soient les quatre pays directement intéressés ou les Russes et les Occidentaux. Ils ont compris son ambition, mesuré ses capacités sur le terrain, et craignent la contagion. N’y aurait-il pas là le foyer d’un nouveau mouvement révolutionnaire international ? Dans le subtil jeu diplomatique du moment, les Kurdes et leurs alliés doivent rassurer, et le projet de nation démocratique, présenté comme protecteur des droits des peuples dans un système fédéral, est acceptable au moins pour les Russes, maîtres du jeu. C’est pourquoi, les autorités et diplomates de la Fédération ne parlent jamais de « confédéralisme démocratique », chargé idéologiquement, mais toujours de « nation démocratique » dans le cadre d’une « Fédération de la Syrie démocratique unie », est-il écrit dans le Préambule du Contrat social qui ajoute : « c’est la solution optimale ». À la différence des Russes, les Turcs et les Iraniens sont fortement opposés à cette solution fédérale pour se préserver d’une même revendication d’autonomie de leur population kurde. Les Américains louvoient, prêts à laisser tomber les Kurdes de Syrie, comme ils le font généralement de leurs alliés locaux. Initialement rétif à cette hypothèse, le gouvernement syrien de Bachar alAssad mollit sous la pression des Russes. Son ministre des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, a déclaré, fin septembre, que « le gouvernement syrien est ouvert aux négociations avec les Kurdes au sujet de leur demande d’autonomie dans le nord de la Syrie ». Les Kurdes, bien que trouvant tardive la proposition, se sont déclarés « prêts à négocier ». Pour faire bonne mesure, Assad souffle le froid : « La Syrie […] pourrait cibler les Forces démocratiques syrienne [Kurdes et alliés] après la défaite de l’État islamique », fanfaronne-t-il le 7 novembre 2017.

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