Vincent vint

4Jan/18Off

Rojova : dépasser les frontières sans les nier

La critique de l’État-nation a conduit à renoncer à la construction d’une république kurde indépendante qui ne ferait qu’en reproduire les travers. Le municipalisme libertaire comme le confédéralisme démocratique se développent sans souci des frontières des États. Chaque entité territoriale adhère à la confédération sans référence nationale. Cependant, la réalité conduit à deux correctifs. Le premier est temporel. Dans une première phase, si un État reconnaît à une entité territoriale régionale le droit de pratiquer sa conception de la démocratie, à son tour, cette entité reconnaîtra la frontière internationale de l’État. Elle développera sur son territoire, si tel est son projet politique, l’autoadministration politique et l’autogestion économique. C’est le canevas de la constitution turque d’Öcalan, c’est la proposition que le Contrat social fait à la Syrie. Il sera bien temps, dans une deuxième étape, de penser comment les autonomies démocratiques dans cet État et au-delà se confédéreront au mépris des frontières. Le second correctif est diplomatique, motivé par la résolution du conflit en Syrie. Le confédéralisme démocratique et son projet de société sans État ont tout lieu d’affoler les différents protagonistes internationaux, que ce soient les quatre pays directement intéressés ou les Russes et les Occidentaux. Ils ont compris son ambition, mesuré ses capacités sur le terrain, et craignent la contagion. N’y aurait-il pas là le foyer d’un nouveau mouvement révolutionnaire international ? Dans le subtil jeu diplomatique du moment, les Kurdes et leurs alliés doivent rassurer, et le projet de nation démocratique, présenté comme protecteur des droits des peuples dans un système fédéral, est acceptable au moins pour les Russes, maîtres du jeu. C’est pourquoi, les autorités et diplomates de la Fédération ne parlent jamais de « confédéralisme démocratique », chargé idéologiquement, mais toujours de « nation démocratique » dans le cadre d’une « Fédération de la Syrie démocratique unie », est-il écrit dans le Préambule du Contrat social qui ajoute : « c’est la solution optimale ». À la différence des Russes, les Turcs et les Iraniens sont fortement opposés à cette solution fédérale pour se préserver d’une même revendication d’autonomie de leur population kurde. Les Américains louvoient, prêts à laisser tomber les Kurdes de Syrie, comme ils le font généralement de leurs alliés locaux. Initialement rétif à cette hypothèse, le gouvernement syrien de Bachar alAssad mollit sous la pression des Russes. Son ministre des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, a déclaré, fin septembre, que « le gouvernement syrien est ouvert aux négociations avec les Kurdes au sujet de leur demande d’autonomie dans le nord de la Syrie ». Les Kurdes, bien que trouvant tardive la proposition, se sont déclarés « prêts à négocier ». Pour faire bonne mesure, Assad souffle le froid : « La Syrie […] pourrait cibler les Forces démocratiques syrienne [Kurdes et alliés] après la défaite de l’État islamique », fanfaronne-t-il le 7 novembre 2017.

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