Le problème de l’absence d’Europe
Aujourd'hui, le Royaume-Uni se prononce sur son appartenance à l'Union européenne. Faite de nombreuses exceptions et exemptions, elle témoigne de l'intérêt essentiellement économique que représente l'Europe aux yeux des Britanniques. Le PIB du Royaume-Uni a d'ailleurs doublé depuis 1973, date de son adhésion à la Communauté économique européenne. Alors que l'OCDE note déjà un net recul du taux de change de la livre sterling par rapport au dollar et à l'euro, les prévisions montrent que les Britanniques auraient économiquement tout à perdre s'ils se prononçaient en faveur d'un Brexit. En effet, la perte de revenu annuel pourrait aller jusqu'à 2000 livres par habitant. Par ailleurs, les autorités britanniques seraient contraintes de prendre en charges des dépenses actuellement réalisées grâce à 7 milliards d'euros de subventions communautaires. Au-delà de l'aspect économique, un départ du Royaume-Uni fragilisera l'Europe en donnant du crédit à ses adversaires. Son maintien n'évitera pas non plus un affaiblissement grave et durable de l'Union européenne, puisqu'il n'éteindra pas la crise identitaire, culturelle et politique profonde qu'elle traverse. Parce que l'euroscepticisme ne peut plus être combattu sur la base d'un projet uniquement économique, la France doit proposer un nouveau cap et redevenir le moteur de la construction européenne, ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. J'ai bien conscience que l'Europe est en panne, qu'elle décide souvent mal, pas assez vite, que sa légitimité est contestée et sa crédibilité fragilisée, mais je crois pourtant qu'elle seule peut permettre à la France de profiter des opportunités de la mondialisation et de faire face à l'émergence de nouvelles menaces. Je suis persuadé que l'Europe est la seule voie pour la France. Je suis totalement opposé à la conception de l'Europe à la carte défendue par le Royaume-Uni et à la tentation du repli sur soi : la France doit absolument et rapidement opposer enfin une vision ambitieuse de l'Europe, qui transcende les égoïsmes nationaux. Afin d'éviter que le scénario britannique ne se répète, il y a urgence dans quatre domaines. Premièrement, la France doit faire en sorte d'œuvrer en faveur d'une politique étrangère et de défense commune, afin de mettre sur pied une force d'intervention européenne. C'est la seule manière de permettre à l'Europe d'être en première ligne pour lutter contre le terrorisme et assurer la sécurité des Français. Deuxièmement, elle doit insister pour que soit engagée sans plus tarder une politique commune de sécurité intérieure, ce qui passe par la création d'une police européenne et par un échange permanent automatisé entre les services de renseignements des Etats membres. Troisièmement, alors que plus de 10.000 migrants ont trouvé la mort en Méditerranée depuis deux ans, il faut à tout prix en finir avec les drames humains qui se jouent à Calais, Lampedusa ou Vintimille. La plus grande priorité doit être donnée à une politique migratoire et d'asile commune, qui recense au niveau de l'Europe nos besoins démographiques et économiques, fasse converger les différents systèmes de traitements des demandes d'asile et prenne en compte les spécificités de chaque Etat afin qu'ils participent tous à l'effort d'accueil en fonction de leurs capacités. Nous pourrons alors lutter contre l'immigration illégale tout en respectant la dignité humaine. Enfin, pour faire enfin de l'Europe un levier de croissance et d'emploi utile aux entreprises et aux citoyens, il est indispensable de mettre en place un gouvernement économique, un parlement de la zone euro et un budget européen. Sans ces initiatives ambitieuses et courageuses, l'Europe et la France se trouveront encore plus affaiblies et en grand danger. Face à la menace sournoise que représente la barbarie de Daesh, l'idéal de paix sur lequel s'est construit l'Europe est plus que jamais d'actualité. Ayons le courage de dire haut et fort que les véritables patriotes sont européens: notre faiblesse n'est pas l'Europe, mais l'absence d'Europe.
Européen… ou pas ?
La semaine dernière, j'étais en Estonie pour y suivre un incentive durant lequel mes collègues et moi avons longuement discuté des résultats du Brexit. Comme vous pouvez vous en douter, la victoire des pro-Brexit a fait l'effet d'un tremblement de terre économique dont on peine encore à l'heure actuelle à distinguer l'ampleur (mais qu'on ressent déjà dans le travail). Ce dont je suis persuadé, en tout cas, c'est que ceux qui se réjouissent de la "victoire" britannique ne comprennent absolument rien à la scène internationale : l'Angleterre va mettre des années à se remettre de ce fail. Pourtant, en dialoguant avec certains de mes collègues, j'ai pris conscience que beaucoup de gens sont clairement passés à côté de ce qui s'est véritablement joué. Ils croient que les anglais ont pris des vessies pour des lanternes, et que ce sont forcément les plus incultes qui ont voté pour ce fameux Brexit. Pourtant, si l'on s'attarde sur les chiffres, les choses ne se sont pas passées de cette façon. Beaucoup d'électeurs ayant un bon niveau de revenus ont en fait choisi le Leave. Les chiffres témoignent que ce Brexit s'est joué sur une question cruciale : l'immigration. Et ça n'a rien de surprenant : on sait que c'est ce thème qui détermine presque toutes les élections occidentales, que ce soit aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, ou chez nous. Les chiffres prouvent que durant ce scrutin, ce sont les citoyens les plus exposés à la diversité de cultures qui ont voté pour le Remain ; et que très logiquement, ce sont les moins exposés qui ont voté pour la fermeture des frontières. Depuis cette déclaration d'indépendance, d'ailleurs, la parole raciste ne semble plus aussi tabou chez nos voisins anglais. Ce n'est donc absolument pas un vote du peuple s'opposant à celui des hautes classes qui a eu lieu, comme beaucoup trop de journaux ont cherché à le présenter. : il s'agissait en fait de déterminer si les anglais souhaitaient vivre dans un monde ouvert ou non, et les électeurs ont tranché. Il est important de comprendre que cette question transcende les considérations de classe sociale : Marine Le Pen, par exemple, n'est pas issue de la classe ouvrière, pas plus que son père ! S'il y a eu plusieurs discussions exaltées sur l'avenir de l'Europe, cet incentive a tout de même remporté un vif succès au final. Je vous mets d'ailleurs en lien l'agence qui s'en est occupé : j'ai surtout apprécié l'inventivité des activités qui nous ont fait redevenir gosses et qui nous a bien fait rire pendant ce voyage incentive en Estonie.
Eloge de la lenteur européenne
Les européens ne sont d'accord presque sur rien, sauf sur une chose : ils n'aiment l'Europe. Ils n'ont jamais adhéré à ce projet bancal. Mercredi dernier, encore j'ai eu l'occasion de m'en rendre compte en assistant à un séminaire à Rome. Entre deux séances de travail, j'y ai discuté de la situation européenne avec quelques participants, et j'ai été sidéré d'observer que plusieurs personnes ne parvenaient pas à comprendre la faillite européenne. Pourtant, cet effondrement était à mon sens une certitude dès sa fondation. A l'époque, le concept d’une monnaie unique a été vendu comme une véritable union monétaire. Mais cette union monétaire, si l'on veut vraiment qu'elle fonctionne, requiert un ingrédient rare et délicat : une réelle union politique. Et en ce sens, des efforts supplémentaires restent clairement à fournir. Cette concorde n’était pas possible à l'époque, mais on a tout de même décidé de construire le bâtiment sans se soucier des fondations. Ce qui fait qu'aujourd’hui, le château a des fissures de toutes parts et on se voit contraint de payer des travaux démesurés pour l'entretenir. Voilà le prix exorbitant qu'il nous faut payer pour l’euro, qui a été établi expéditivement. Avec l'euro, les dirigeants politiques ont forcé l'intégration de l'Europe. Comme la mise en place d’un vrai bloc politique européen représentait une étape impossible à, on a pris le chemin facile : on instauré une monnaie commune. Un pays comme l'Allemagne était fortement opposé à cette opération, et à raison. Une monnaie commune devrait venir sacrer l’unification politique de l'Europe, et non la précéder. Toutefois, dans le débat de l’organisation de l’Europe, le point de vue allemand n’a pas été écouté. Les autres pays européens ont considéré que l'élaboration d’une union politique prendrait des décennies, alors que l’introduction d’une monnaie unique était une victoire rapide pouvant se réaliser sans difficultés. Mais il est décidément des victoires qui coûtent cher, et dont on se passerait bien. Pour terminer, j'aimerais dire un mot sur ce séminaire à Rome. Plus d’infos sur cet événement en suivant ce lien : http://www.agence-seminaire.fr/seminaires-ailleurs/agence-seminaire-en-italie/agence-seminaire-a-rome/